Un conte de noël...

Il y a quelques années j'avais écrit ça pour aider les copains ducatistes à s'endormir e soir....


salut les jeunes...


Je suis sortie des ateliers de Borgo Panigale le 12 mai 1975 ... je m'en
souviens comme si c'était hier l'air était doux et on m'a enfermé dans
un carton pour m'envoyer dans le sud de la france à "Lectoure" pour etre
précis. Là je pus faire admirer ma belle robe couleur rouille et
d'ailleurs je ne tardai pas à trouver un amou... cheteur...

Mais avant de vous raconter tout ça il faut que je vous parle un peu de
moi ... je suis une 860 gt équipée d'origine d'une culasse classique
c'est à dire non desmodromique, de deux carburateurs Dell'Orto de 32 et
de deux affreux pots Lafranconi ... autant vous dire qu'avec ça je
faisais pas la fière à coté des copines qui avaient une belle bulle
"sport " les beaux carbus, et la cavalerie pff ces vaches c'est tout
juste si elles me regardaient dans le train... mais je m'en fous moi je
me trouverais un beau pilote bien attentionné alors qu'elles se sont
coltinées des tortionnaires qui les ont pas ménagées ...
bien fait na ! ! !
Alors comme ça j'avais ma belle tenue orange métallisée (le premier qui
s'esclaffe je deviens toute rouge et je me pète la pompe à huile) avec
mes carbus tout riquiqui et j'étais ce qu'on appelait à l'époque une gt
mais bon c'est quand même pas le confort de mes amortisseurs qui
justifiait des conneries pareilles, mais les décisions des hommes sont si
bizarres des fois... et j'étais dans la boutique de ce vendeur juste en
face des pyrennées et derriére moi des millers de kilometres de virolos.

C'est là qu'il est arrivé ce grand gaillard tout sec avec un grand nez
tout droit et un regard clair (j'en étais déja toute pâmée) il m'a
tourné autour comme un gamin presque toute une aprés midi sa main sur la
selle toujours accroupi à me regarder les carbus comme si c'était le
décolleté de brooke shields puis il est parti en disant bon d'accord à
mardi. Evidemment il me parlait pas à moi il parlait au taulier mais le
mardi suivant on partait ensemble à l'assaut des petites routes gersoises...

Quel bonheur de rouler avec ce garçon (il s'appelait François) il m'a
fait un rodage de première classe tout en douceur avec de ci de là un
petit coup de sang pour me réveiller (moi à ronronner je finis par
m'endormir ; c'est comme ça j'aime pas les tièdes ! ) ah je me mettrais
la bielle au feu qu'il s'éclatait autant que moi !

Et puis ça a été la routine je l'emmenais à son boulot ( il était
cuistot ) puis au bistrot puis au baloche avec lui y'avait pas souvent
de soirées calmes et quand on rentrait j'avais plutôt intérêt à me
rappeler des virages sinon il aurait pas toujours dormi dans son lit le
bougre ! Mais bon il s'occupait bien de moi même quand il s'était mis une
"mouline" comme il disait le lendemain il en profitait pas pour sauter
une vidange ou remettre à la prochaine le graissage de la chaine ou la
visite à l'épurateur centrifuge cette connerie là qui est toujours plein
de saloperies et sans oublier un contrôle quasi obsessionnel des jeux
aux soupapes.

Moi à ce qu'on s'occupe de moi comme ça j'ai fondu moi pour ce garçon si
bon conducteur et si bon mécanicien j'en pouvais plus dés que je le
voyais mais je sais pas bien s'il s'en rendait compte, en tous cas on
était tout le temps fourré ensemble en balade ou en baston et y'avait
pas grand monde pour nous tenir la dragée haute parce que question tenue
de parquet quand même j'assurais sérieux et mon moulbif l'a jamais été
comparé à un poumon qu'on se le dise !
Enfin bref ça finissait souvent pareil lui au chaud au bar moi dehors à
me cailler et à la fin fallait que je le ramène tellement il était
bourré mais je me plaignais pas je faisais la causette avec les brélons
qu'on avait torchés des 350 rd ou des PJR ( Patrick Juvet replica,
y'avait bien les paillettes mais ça a jamais remporté une bourre) des
250 sl ou des fois des trucs rigolos comme des 250 ossa des 125 katoche
avec leurs ailettes en éventail ou carrement des terreux : genre 350
villa ou 250 husky ça a l'air de rien ces conneries à trous mais bien
emmenées ça faisait pas que de la fumée et dans les petits coins fallait
s'accrocher...

Bref aprés des tas de bornes et (je l'avoue humblement ) un vilo
remplacé à 57 000 bornes j'ai senti venir les nuages y'avait de plus en
plus souvent une gonzesse blonde en ballade avec nous ...Ohh moi j'ai
rien contre un peu de surcharge mais quand même ça devenait énervant de
jamais pouvoir taper une bonne bourre j'ai hélas vite compris que non
content de la porter sur mon dos elle allait me le piquer mon françounet.

Oh ça a bien pris quelques années quand même mais il venait de moins en
moins souvent au garage ou alors il était tout plein de peinture et il
avait comme un regret dans le regard quand il me souriait moi je faisais
celle qui n'a rien vu mais je sentais bien qu'il y avait un truc. Et un
jour ça a été la bonne : il m'a parlé d'un tas de trucs de banquiers de
maison de gamins j'y ai rien compris mais j'ai bien vu qu'il voulait
plus de moi et puis je me suis rappelé qu'a son dernier passage chez
Salles ils avaient discuté un moment en me regardant comme des
maquignons ah le salopard je comprenais tout maintenant mais que
faire... Comme une vieille anglaise indigne je laissai tomber une petite
larme d'huile sur la poussière du garage qui l'enveloppa...

Alors je regagnai un jour triste la boutique face aux Pyrénées,
et voila il m'avait vendue.
Ah je la ramenais pas sous le soleil de septembre, je savais bien que
des comme lui j'en retrouverais pas des pleines valises mais bon... Pis
les jeunes parlaient que de 4 pattes et de kh et on me regardait à
peine.

Finalement c'est un papy qui m'a embarquée ... le pôvre il passait
jamais la 5... peut être il savait pas que j'avais 5 vitesses... enfin on
allait au jardin le matin et au bistrot l'après midi et après sa
belote on rentrait à la casa c'était pas une sinécure mais qu'est ce
que je me faisais chier....

Enfin un jour papy ( s'appelait Marcel ) il a regardé ailleurs et on a
loupé un virage. Oui je sais j'aurais pu faire un effort mais il m'a
pris de court et patatras ...
Je l'ai pas revu pendant 6 mois sa vielle a du lui passer un de ces
savon...


Bref quand je l'ai revu Y'avait un jeunot avec lui le cheveu court ...
ah c'est vrai que la mode avait changé que j'avais 20 berges et plus de
80 000 bornes. Bref j'ai vite senti que j'allais changer de police
d'assurance. Le Marcel y me regardait avec rancœur comme si c'était
moi qui l'avait foutu au tas. Aussi l'avait qu'a pas se trainer j'aurais
fait un peu plus attention à la route... Bref le jeunot m'a embarqué
mais je me sentais pas rassurée moi avec c't'engin il avait l'air d'un
poireau autant en conduite qu'en mécanique ...

Evidemment j'avais pas tout à fait tort il a commencé par virer mes
garde boues me foutre des boulons rouges qui brillent et il avait
toujours pas regardé le niveau d'huile. C'était mal parti pour qu'il
trouve tout seul le chemin de l'épurateur centrifuge. Il côtoyait des
motards qui se foutaient de lui ce qui me foutait en rogne et qui
chevauchaient des motos modernes pleines de tuyaux de fils de pots et
qui envoyaient sévère ... surtout en ligne droite ! ! ! en virages ils
se trainaient comme des grosses merdes ! ! Et moi aussi, vu que mon pilote
freinait comme un trappeur en perdition dans une avalanche à l'approche
du moindre virage, ah qu'est ce que j'aurais donné pour taper une baston
avec mon Françounet pour leur montrer à ces branleurs ce que c'était que
de conduire une moto enfin bon ça a pas loupé à fond de 5 dans une
grande ligne droite j'ai cassé un roulement de bielle ah il a pas du comprendre
pourquoi ça avançait plus le bougre de Maïkeul, comme il se faisait appeler.

Bref ça a pas loupé il m'a foutue en vente. Sauf que de lectoure j'avais
filé à Pau. Moi je m'en foutais mais vous allez voir que ça a vite pris
de l'importance. Car le gars qui m'a embarquée en piteux état il sentait
l'huile chaude à deux kilometres ...
Rien qu'a son jet ago brillant comme un lustre dans le garage et à la
combarde en cuir noir j'ai compris que les vacances étaient terminées
mais c'était pas pour me déplaire ... enfin c'est ce que je pensais.
C'était en revenant d'une course au circuit du Vigeant. On n'avait pas
gagné et d'ailleurs nos victoires devenaient de plus en plus rares.
J'avais bien remarqué qu'un auttre fourgon nous suivait mais je
penchais pour un apéro ( vaut mieux pencher avant :) ) quand je vis
emmenée aprés moi dans le garage au
sous sol du pavillon une superbe machine verte et rouge entièrement
carénée et ornée d'un conti noir du plus bel effet. La nouvelle venue
s'avérait etre un nouveau. Un "mille mike hailwood réplica". Mossieu avait des
manières. Il avait soi disant des vraies burnes de taureau et me snobait
sous prétexte que je n'étais plus toute jeune ... pff pour foutu dix ans
de mois que moi et 134 cm3 de plusfranchement y'avait pas de quoi la
ramener. Et mossieu avait tout vu et mossieu avait tout fait ... mais
oui ! ! ! Enfin bon sachant le sort qui l'attendait je lui en voulus un
peu moins et puis à mon age on pardonne aux  prétentieux ... tant
qu'ils nous amusent un peu.

Mais un jour la gars patrick s'est occupé de moi. Pas en bien pour une fois.
Il m'a désossée et rhabillée avec mes vieux habits de 860 gts couleur
rouille. Fini la belle parure d'imola fini les contis les gros carbus et
les culasses desmo. Ah le sagouin avec toutes les coupes que je lui
avais rapportées ça me serrait le coeur de penser que je n'avais jamais
été pour lui qu'un tas de ferraille interchangeable. L'aurait plus
manqué qu'il fasse un burn. Je pus quand même garder quelques roulements
et les modifs du circuit de graissage. Finalement je me remis de mes
émotions songeant qu'il ne m'avait jamais trop martyrisée.

Bien sur il me vendit dans cet accoutrement dans lequel je me
réhabituais et qui m'avait valu tant de sarcasmes de l'autre empafé de
mhr. Le plus triste était que personne ne me reconnaissait sans mon
numéro 6 sur le pif. Ca fout quand même les boules d'avoir un palmarés
commack et d'être considérée comme une vieillerie alors que 6 mois plus
tôt on détaillait mes carters à la loupe.

Mon nouveau chevalier servant s'appelait Jean-Marc il était distingué
bien sapé et semblait me trouver beaucoup de charme. Je crois qu'il est
informatitien ou un truc comme ça. J'y connais rien moi ça existait même
pas de mon temps. Je repris la route
des ballades mais hélas il habitait prés d'un grande ville qui pue et
les routes étaient toutes plates et sans virages.

Un jour il revint avec mon réservoir fraichement repeint ainsi que le
reste et me remonta aux petits oignons comme jadis je sortis des
ateliers de bologne. Des fois il venait me voir dans le garage avec des
connaisseurs qui me regardaient sous toutes ces coutures en jetant des
regards approbateurs à mon proprio.
Ils parlaient tout le temps d'un salon ou finalement je fus exposée au
milieu d'une centaine de frangines de tout age et toutes plus belles les
unes que les autres. Quel pied ce salon j'ai pu tailler des bavettes
avec des monos une vraie imola qui avait même entendu parler de mes
succès et me fit rosir en me disant qu'elle en avait mêrme été jalouse.
Il y avait aussi une bécanne fabuleuse -et même pas prétentieuse !- une
916 sp qu'elle m'a dit s'appeler waou la clase de cette meule quand
même j'aurais pas cru ça possible une moderne aussi fine qu'une ss aussi
racée une vraie diva... faut dire qu'avec mes courses d'anciennes moi je
n'étais plus à la page...

J'ai vu aussi plein de copains de mon proprio il parait qu'ils causent
sur internet et qu'on va se faire plein de balades avec eux c'est cool
ça commençait à me manquer ....